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Passons le mot : il faut en finir avec la diabolisation des frais généraux des OBNL

Kim Fuller, fondatrice et PDG, PHIL

Lorsque j’ai assisté au film UnCharitable de l’activiste humanitaire Dan Pallotta il y a quelques semaines, j’ai eu envie de bondir de mon siège en applaudissant. Dans son documentaire, Dan exprime parfaitement ce que je pense depuis 25 ans : pourquoi le secteur à but lucratif a-t-il le droit de payer ses employés, de faire de la publicité, d’investir et de prendre des risques comme bon lui semble, alors que les OBNL, qui se consacrent au bien social, se voient contraints de suivre des règles différentes? 

Dans UnCharitable, Dan parle des collectes de fonds très réussies qu’il a organisées, notamment des vélothons en soutien aux personnes atteintes du sida et des marches pour le cancer du sein. Pendant sa meilleure année, 2002, son équipe a récolté 77 millions de dollars uniquement pour le cancer du sein. Mais les médias ont critiqué les dépenses reliées à la collecte de fonds, affirmant que l’utilisation des services d’une agence de planification d’événements avait entraîné trop de frais généraux. Ils n’avaient aucune capacité d’apprécier les investissements nécessaires pour recruter des talents et établir des relations avec les donateurs, et l’enthousiasme engendré par de telles expériences rassembleuses. À la suite de ces critiques, les entreprises commanditaires ne voulaient plus faire partie des événements de collecte de fonds que la société de Dan coordonnait pour des causes majeures. Du jour au lendemain, plus de 350 employés de l’entreprise ont perdu leur emploi, et les patients qui dépendaient des services médicaux et de la recherche ont perdu un soutien vital. 

Toutes les organisations doivent payer pour les postes de direction, le personnel de soutien, le mobilier, les services publics, les ordinateurs, les conseils juridiques, les assurances, le loyer, la publicité, les frais postaux, l’analyse des données, etc. pour avoir un impact. Pourquoi les OBNL sont-ils perçus différemment?

Les OBNL ne sont pas que de bons samaritains.

  • Au Canada, il y a 170 000 OBNL (et plus de 8 000 organismes subventionnaires) qui représentent 8,3 % du PIB du pays et génèrent 192 milliards de dollars en activité économique chaque année.
  • Ils emploient 2,4 millions de personnes ou 1 travailleur canadien sur 10. C’est plus que les secteurs des mines, du pétrole et du gaz, de l’agriculture, des transports et de la vente au détail.
  • Et les femmes constituent 77 % de cette main-d’œuvre. (Imagine Canada

Les entreprises à but lucratif ont un meilleur accès au capital, et nous savons tous qu’il faut de l’argent pour gagner de l’argent. Pour payer les talents. Faire de la publicité. Investir dans l’entreprise.

UnCharitable raconte également l’histoire des Wounded Warriors, un OBNL au service des anciens combattants américains, pour illustrer l’état d’esprit toxique entourant les frais généraux.

  • En 2006, afin d’amasser plus d’argent, le nouveau PDG a décidé que les Wounded Warriors devaient d’abord investir dans leur équipe. Ils ont donc investi 1,5 million de dollars dans la collecte de fonds et ont recueilli 10 millions de dollars de revenus, dont 5,6 millions de dollars ont été consacrés à des programmes destinés aux anciens combattants.

  • En 2015, ils ont investi 74 millions de dollars dans la collecte de fonds, généré 400 millions de dollars de revenus et versé 262 millions de dollars aux anciens combattants. Mais les médias, ainsi que certains anciens employés, ont déclaré que les frais généraux étaient trop élevés. Le PDG et le directeur de l’exploitation ont tous deux été licenciés.

  • Selon un porte-parole de UnCharitable, près de 30 000 organisations occupaient le créneau des vétérans du secteur à l’époque, et aucune d’entre elles n’avait l’impact des Wounded Warriors. D’après le documentaire, Wounded Warriors donnait six fois plus aux anciens combattants que le deuxième plus grand OBNL du secteur.  

UnCharitable invite le public à se poser la question suivante : « Pourquoi les organismes de bienfaisance n’ont-ils pas encore changé le monde? » Et la réponse est limpide. Ce n’est pas ce qu’on leur demande. Les bailleurs de fonds leur disent de limiter les frais généraux et les salaires. Et c’est exactement ce qu’ils font.

« Mais qu’est-ce qui est mieux? », demandent les auteurs du film. « Des frais généraux de 3 % pour une organisation qui n’a éliminé la faim nulle part ou des frais généraux de 36 % pour une organisation qui a éliminé la faim dans 40 des 50 états américains? »

C’est formidable que les OBNL soient dynamisés et inspirés par Uncharitable, mais il est de notre responsabilité de partager son message au-delà de notre secteur. C’est un problème systémique, et nous faisons tous partie du système collectif qui nous empêche d’avancer. Nous devons mesurer ce qui compte vraiment.

Pourquoi les organismes de bienfaisance n’ont-ils pas changé le monde? Parce que nous ne leur donnons pas les moyens de le faire. Nous leur disons de réduire au maximum les frais généraux et les salaires, mais d’augmenter l’impact de leurs programmes, faisant fi du fait que l’un rend l’autre impossible.

Pendant la pandémie de COVID-19, les bailleurs de fonds fournissaient des subventions aux OBNL sans restriction, car nous étions en crise. Or nous sommes toujours en crise. Plus que jamais, nous avons besoin de la confiance du public. La confiance que nous ferons ce qu’il faut pour défendre les causes qui nous tiennent à cœur. La confiance dans les mouvements qui inspirent les communautés.

Nous avons ce qu’il faut pour être de meilleurs défenseurs de notre secteur. Lorsqu’on vous demandera, dans un cocktail pendant le temps des fêtes, ce que vous faites dans la vie, ne vous contentez pas de dire que vous travaillez pour un OBNL. Dites que vous travaillez pour un secteur qui change le monde. 

Ensemble, nous pouvons débloquer davantage de fonds. Faciliter leur utilisation là où ça compte. Former les gens pour qu’ils puissent offrir une expérience à but non lucratif exceptionnelle. Nous avons besoin de nous approprier l’esprit d’investissement du secteur à but lucratif. Nous ne pouvons pas être réfractaires au risque face à nos crises, nous devons mettre l’argent là où il est le plus nécessaire et aider les bailleurs de fonds à comprendre que des communautés entières seraient perdues sans nous, sans les personnes qui assurent les services, sans nos frais « administratifs ».  

Le film nous rappelle que les mentalités ont changé à l’égard des ceintures de sécurité, du tabagisme, du vote des femmes et des droits civils; maintenant, il est temps que la société change sa façon de concevoir les services aux personnes défavorisées. Pour reprendre les mots de Buckminster Fuller : « On ne change jamais les choses en combattant la réalité existante. Pour changer quelque chose, il faut construire un nouveau modèle qui rendra inutile l’ancien. »

Nous devons rassembler les gens. Comme l’a expliqué Dan Palotta, la NASA n’a rien construit, elle a simplement coordonné les travaux. Et elle a fini par mettre un homme sur la lune.

Nous pouvons loger les sans-abris et nourrir les gens qui ont faim. Nous pouvons guérir ceux qui sont malades et lutter contre la maladie. Nous pouvons soutenir la santé mentale, ralentir le changement climatique et réduire la violence domestique. Nous pouvons faire passer la recherche médicale au niveau supérieur et fournir une éducation de qualité aux enfants de tous âges, de tous horizons. Notre travail est précieux, inspirant, et il transforme la vie. 

Comme le résume si bien Dan, « Il ne faut pas remettre en question les frais généraux d’une organisation. Il faut plutôt se renseigner sur l’ampleur de ses rêves. »

Nous pouvons faire de ce rêve une réalité si nous travaillons ensemble et montrons au monde ce que les OBNL peuvent accomplir avec une confiance et un soutien sans restriction.

Passez le mot dès aujourd’hui!

https://uncharitablemovie.com/