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Le Canada continue à perdre des donateurs

Blogueur invité : John Hallward, Président de GIV3, Président de Sector3Insights

 

Il y a un déclin mesurable de notre comportement charitable et ce phénomène aura de sérieuses répercussions pour l’avenir 

Si nous examinons les données de Statistiques Canada – et celles-ci reposent sur l’analyse de plus de 25 millions de déclarations d’impôt – nous pouvons constater un déclin continu des dons individuels. Nous redonnons actuellement moins de 1 % de nos revenus annuels. Nous perdons nos donateurs individuels. Nos dons ne suivent pas l’inflation.

 

 

Nos recherches montrent que nos valeurs et nos comportements charitables sont appris. Ceux-ci reflètent notre éducation et l’influence de nos parents, grands-parents, professeurs, ainsi que l’entourage. Les enfants élevés avec des valeurs charitables et le bon exemple donnent davantage à l’âge adulte. Les individus qui respectent les normes établies de générosité sont également plus généreux.

Si nous continuons à perdre des donateurs au rythme actuel, nous nous priverons de leur rôle d’exemplarité pour des générations à venir.   C’est ce que nous observons déjà depuis plus de trente ans.    À cet égard, l’histoire récente des dons au Québec est riche d’enseignement.   Traditionnellement, les catholiques donnaient beaucoup à l’Église, qui soutenait à son tour les organismes communautaires. À mesure que les Québécois s’éloignaient de l’Église, leurs dons ont diminué puisque les dons directs aux organismes étaient pratiquement inexistants. 

La transformation sociale issue de la Révolution Tranquille a malheureusement laissé le Québec avec peu de leadership visible provenant des donateurs individuels, puisqu’il n’y avait pas de tradition charitable dans les familles ni de normes sociales clairement exprimées.   Aujourd’hui, le Québec est la province où le don par personne est le plus bas au Canada. Un phénomène similaire se produit actuellement au Canada et cela aura les mêmes conséquences. De plus, avec moins de donateurs, les dons charitables seront concentrés dans des groupes de plus en plus petits, fortunés et vieillissants.  Non seulement cela est antidémocratique mais cet appui diminuera avec le temps. Nous devons faire un sérieux examen de nos valeurs charitables tandis que nous le pouvons.

Un fossé grandissant et préoccupant

Répondre à la demande croissante de financement provenant du secteur charitable pour fournir des services aux personnes dans le besoin devient toujours plus ardu. Ce fossé est en grande partie lié à la croissance démographique, aux coupures des gouvernements (aux prises avec des déficits budgétaires) et à des dons charitables en baisse chez les Canadiens.  

Ce « fossé de la bienfaisance » grandissant menacera la qualité de nos communautés et appauvrira le tissu social.   

Puisque les gouvernements ne peuvent assumer la responsabilité de déficits croissants devant leur électorat et que la population canadienne ne diminue pas, nous devons revenir au niveau de générosité de nos grands-parents. Si nous redonnions 1 % de notre revenu annuel, 3 milliards $ supplémentaires seraient injectés annuellement dans les organismes (une augmentation de 30 %). La qualité de vie de nos communautés dépend de cet investissement additionnel.

Se concentrer sur les donateurs  

Au Canada, en janvier 2018, le Sénat a chargé le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance de se pencher sur le problème. Leur rapport Catalyseur pour le changement : une feuille de route pour un secteur de la bienfaisance plus fort est très complet et propose plusieurs recommandations au gouvernement fédéral. 

Bien que le Sénat soulève beaucoup de questions importantes, il est important de se concentrer sur les donateurs parce que sans argent et sans don, la nature de notre environnement charitable devient secondaire. C’est un peu comme une entreprise qui se restructurerait alors que ses ventes baissent. Sans ventes réalisées, la structure de l’entreprise est de moindre importance.  

Les solutions ne peuvent pas se résumer à un ou deux points de forme. Ainsi, des incitatifs fiscaux plus généreux, tels que proposés dans le rapport sénatorial, n’ont pas semblé stimuler la générosité des donateurs irlandais lorsque ceux-ci ont été mis en place. De plus, un examen des crédits d’impôt pour charité dans les provinces canadiennes n’indique aucune corrélation entre le niveau des crédits d’impôts provinciaux et les dons. Le Québec a les incitatifs fiscaux les plus élevés mais aussi les niveaux de don les plus bas. Les incitatifs fiscaux ne sont pas le principal déterminant de notre comportement charitable. Comme je l’ai mentionné plus haut, la charité est un comportement appris. C’est culturel et fortement influencé par des normes sociales. Pour inverser la tendance au Canada, je crois qu’il faudra déployer plus de moyens qui n’ont pas été essayés ni même discutés.

Pas de solution miracle

Puisque notre comportement charitable repose sur un ensemble complexe de motivations, il n’existe pas de remède miracle.   Il a fallu une génération complète et beaucoup d’efforts pour faire la promotion du recyclage et de la ceinture de sécurité, de même que pour réduire le tabagisme, alors nous aurons probablement besoin de beaucoup d’initiatives pour inverser la tendance. Voici quelques pistes : 

  • Le gouvernement pourrait remercier les individus qui ont réclamé un crédit d’impôt pour don de bienfaisance et illustrer graphiquement les dons moyens dans cette même tranche d’imposition, encourageant ainsi la générosité chez les contribuables qui n’ont pas demandé ce crédit. 
  • Le gouvernement pourrait offrir au contribuable l’option de transformer un remboursement d’impôt en don de bienfaisance pour l’organisme de son choix, comme l’a fait la Pologne.  
  • Le gouvernement pourrait améliorer la qualité des informations recueillies dans la Déclaration des organismes de bienfaisance (Formulaire T3010), exigeant un rapport de mission et un résumé des réalisations depuis un an. Cette déclaration devrait inclure chaque année les signatures du directeur général et du président du conseil pour fins de validation. 
  • On pourrait créer un fonds du secteur de la bienfaisance en recueillant 0,25 % de contribution auprès des bailleurs de fonds, de façon à appuyer le renforcement des compétences, créer des programmes de formation, de recherche et faire l’évaluation des nouvelles initiatives. 
  • Les chercheurs pourraient étudier les motivations en jeu dans la charité et partager leurs résultats avec les médias et les parties prenantes, pour mieux savoir comment la stimuler. 
  • Les écoles pourraient offrir des cours montrant comment faire un don et souligner l’impact de la générosité dans la communauté. Ce cours pourrait être crédité et donné aux étudiants avant qu’ils reçoivent leur premier chèque de paie. 
  • On pourrait développer un guide du nouvel immigrant pour parler de la bienfaisance au Canada et des différentes façons de donner.
  • On pourrait concevoir des programmes de formation destinés aux organismes afin d’accroître leur connaissance des meilleures pratiques, mieux comprendre le secteur et le rôle important qu’il peut jouer grâce à de meilleures relations avec les professionnels et les médias. 
  • Des sessions de brainstorming pourraient être proposées pour explorer de nouvelles pistes, entre autres en recherche et en évaluation.
  • Nous pourrions même explorer et tester quelques idées vraiment novatrices.   Par exemple, pensez à une « Grande loterie canadienne de la bienfaisance ». Chaque dollar déclaré en crédit d’impôt pour don de bienfaisance pourrait équivaloir à une participation. Le prix pourrait être de 1 million $ pour le contribuable et de 1 million $ à donner à l’organisme de leur choix. 

Je crains que les tendances à la baisse observées se poursuivent si nous n’y voyons pas. Vous connaissez la définition de la folie qui consiste à « répéter la même chose sans arrêt en s’attendant à des résultats différents ». Les implications sociales et les milliards de dollars en jeu nous forcent à explorer rapidement de nouvelles solutions.

 

 


 

John Hallward est l’auteur de « Gimme ! The Human Nature of Successful Marketing » et membre du conseil de plusieurs OBNL. Il passe désormais le plus clair de son temps à améliorer son expertise en marketing et en recherche pour aider les organismes à réussir. Après 14 années consacrées avec succès à ses affaires, son associé et lui ont vendu l’entreprise à Ipsos, la firme mondiale de marketing et de sondage d’opinion.  

La retraite n’a pas ralenti John et il est devenu fondateur et président de GIV3 en 2008, une fondation dont la mission est de favoriser la philanthropie au Canada et d’encourager plus de Canadiens à donner davantage. Il est également président de l’entreprise sociale de recherche Sector 3 Insights Inc. qui aide les OBNL à prendre des décisions éclairées, établir des stratégies et agir en profitant des meilleurs outils de recherche utilisés par les entreprises.